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  • Photo du rédacteurChloé Dépré

7 juillet 2019 – Le cœur de l’hiver

Dernière mise à jour : 1 sept. 2019

Désormais, cela fait plus de 8 mois que j’ai quitté la France. Quand je sors du dortoir ce matin il fait -20°c, température à laquelle nous sommes habitués, peut-être même acclimatés. Vers 9h30 le soleil commence à illuminer la ligne d’horizon d’un orange vif. Chaque belle journée sans nuage commence avec un magnifique levé de soleil et se fini avec le même spectacle durant tout l’hiver. C’est dimanche alors la journée commence tranquille avec un peu de lecture bien au chaud à BioMar en attendant que le soleil se lève un peu plus. Il faudra attendre 11h15 pour qu’il dépasse la ligne d’horizon sachant qu’il disparaitra à 14h15 après sa timide apparition. Un peu avant 11h je me prépare à sortir, s’en suit alors le rituel habituel. Préparer le sac, vérifier que tout est là et mettre les couches les unes après les autres. Ça commence avec la grosse salopette bleue puis le tour de cou, le bonnet, le masque, les bottes, la grosse veste bleue et les gants. Me voilà fin prêt dans mon petit cocon à sortir dans le froid. La température est remontée depuis mon réveil et le vent ne souffle presque pas. -16° avec 10km/h de vent, le grand luxe ici en hiver ! Quand je sors de BioMar, l’ambiance est paisible avec le seul bruit de mes pas pour venir perturber ce silence. Au loin sur le continent, un immense mur de neige nous guette comme une épée de Damoclès. C’est les puissants vents catabatiques sur le continent qui s’arrêtent brusquement en rencontrant la masse d’air stable dans laquelle nous sommes (du moins pour l’instant). Il faut garder de quoi bien se couvrir, en moins de 10 à 15min car il peut très bien descendre de façon imprévisible ou bien rester tranquillement là-haut. Pour l’anecdote ça nous est arrivé sur la banquise hier. Il faisait -24°c et le vent est monté à 60km/h en l’espace d’une minute. Ça représente un ressenti de -40°c ! C’est très impressionnant et il ne faut pas rigoler avec. Mal protégé et c’est la gelure assurée. Pas de soucis bien sûr puisqu’on a tout ce qu’il faut sur nous, aucun stress donc pour aller à la manchotière. Ce matin j’arrive à la manchotière rapidement. La neige qui recouvre la banquise est tassée par le vent, on marche sur un sol dur ce qui est bien moins fatiguant qu’après des chutes de neige où l’on s’enfonce parfois jusqu’au genou. C’est la période des éclosions pour les poussins de manchot empereur. Douglas (l’autre ornithologue) a eu la chance d’entendre le premier piaillement le 5 juillet signe des premières naissances. Je suis très impatient de voir ces premières boules de plumes, je pourrais rester des heures à attendre ! D’ailleurs, c’est ce que j’ai prévu de faire, et ma patience paye puisqu’après quelques minutes seulement je reconnais le petit chant fluté d’un poussin qui dit gentiment à son père « j’ai faimmmm, j’ai faim, j’ai faim ». Mon rythme cardiaque s’accélère un peu, je suis aux aguets. J’essaye de le localiser en espérant qu’il n’est pas sur les pattes d’un adulte au milieu de la tortue. Au bout de 4 chants j’aperçois un adulte en train de se préparer à régurgiter pour nourrir son poussin, c’est lui que j’entends depuis tout à l’heure. Je suis tout excité à l’idée de voir mon premier poussin ! Au moment où il relève sa poche pour nourrir sa progéniture, le seul individu non reproducteur qui se promène se met en face… Quelle frustration sur le moment, heureusement l’adulte envoi une deuxième fournée pour son poussin et cette fois c’est la bonne. Je vois pour la première fois une petite tête noire et blanche sortir de sa cachette chaude et douillette pour l’un de ses premiers repas. Moment tant attendu depuis le début de l’hiver, j’ai les yeux qui scintillent et le sourire jusqu’aux oreilles. Ce sera la dernière observation visuelle et auditive de poussin pour moi aujourd’hui.


Le premier poupou pris en photo!

Il est désormais l’heure de rentrer manger (12h30 le dimanche). Comme chaque dimanche nous sommes gâtés par Bertrand et Tony (notre équipe de choc en cuisine). Carpaccio accompagné de son guacamole pour l’entrée. Cassolette de gambas et noix de saint jacques supplémenté d’une petite portion de riz et une omelette norvégienne vanille framboise pour le dessert. Après c’est soit direction la sieste ou la banquise pour digérer tout ça. Pour ma part je descends sur la banquise monter l’antenne de détection des puces électroniques. Les naissances de poussins d’empereurs s’accompagnent du retour des femelles et du départ des mâles. Dans quelques jours des colonnes arriveront pour rejoindre la manchotière pendant que d’autres partiront pour refaire le plein de nourriture et de réserves. La météo est toujours calme, Tony, Mervyn, Douglas et Guillaume me donnent un coup de main à tout descendre et à tout mettre en place sur la banquise. En une heure tout est installé, malheureusement une caisse tombe et certaines pièces sont abimées. Normalement tout devrait fonctionner mais il faudra tout de même prévoir des réparations au prochain démontage. Au moment où nous finissons avec Tony le vent se lève, c’est le catabatique qui descend du continent. Heureusement que tout est solidement attaché et que plus rien de léger ne traine. Il est 16h quand je suis de retour à Biomar, il me reste plus qu’à avancer tranquillement pendant que le vent souffle dehors et continue de monter avec des rafales à plus de 120km/h. Ensuite il y aura soirée reste comme tous les repas du dimanche soir. Après manger les occupations sont variés : films, jeux de sociétés, soirée à thème, émission radio, lecture ou trie de photos dans la chambre, billard,… Le mois qui vient de passer était particulièrement calme, le temps de se reposer et de profiter un peu pour se prendre du temps libre. Avec le retour des femelles, la naissance des poussins, bientôt l’arrivée des pétrels géants et l’augmentation de la durée du jour il est temps de reprendre petit à petit des journées plus chargées.

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