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  • Photo du rédacteurChloé Dépré

Kidnappeurs et kidnappés

Le manchot empereur est une espèce très curieuse. Au point que nous avons pendant certaines périodes des visiteurs quotidiens (reconnaissables par des particularités de plumage pour certains d’entre-eux). Ces inemployés qui ont soit raté leur reproduction dès le début, perdu l’œuf ou le poussin, restent sur la colonie où nous devenons un peu leur attraction. En dehors de ces visites ils restent dans la manchotière sans progéniture maintenus par leur instinct de reproduction.

Cet instinct parental est en grande partie dû à une hormone : la corticostérone. C’est une hormone très connue pour le soin parental, souvent maintenu par une interaction entre les parents et la progéniture. Chez les manchots ce n’est pas le cas, sinon lors du départ de la femelle pour 2 mois elle risquerait de perdre son envie de s’occuper de son petit manchot et ne reviendrait plus avec tout ce temps écoulé. Le taux d’hormone reste donc naturellement élevé pendant une longue période même pour ceux qui perdent leurs œufs ou leurs poussins.

Pour ceux dont la concentration est vraiment très élevée cette envie se transforme en pulsion ! Ces manchots n'ont alors plus qu'une chose en tête : avoir un poussin.

C’est là que rentre en compte le comportement de rapt sur lequel j’ai passé tout le mois d’août à faire des observations au pied de la manchotière. Le rapt c’est en quelque sorte un kidnapping. Alors qu’un adulte se la coule douce sur sa banquise avec son petit sur les pattes un inemployé soudainement stimulé par la vue du poussin se jette pour essayer de voler le poussin. Le parent se défend tant bien que mal pour garder son petit mais cela devient très vite compliqué. Il est rare que le rapteur soit seul, quand il y en a un qui se jette sur un petit de nombreux autres rapteurs se pointent et sautent à leur tour dans ce qui ressemble maintenant à une mêlée de rugby.

Exemple d'un rapt

Pas facile de voir ce qui se passe, les issues sont nombreuses. Dans le meilleur des cas le poussin est récupéré et s’en sort indemne. Dans les cas plus problématiques il y a les poussins qui finissent raptés, blessés, abandonnés ou morts. Avec un peu de chance un poussin rapté peut retrouver son parent qui le récupérera en le reconnaissant grâce à son chant unique. Ces kidnappeurs finissent souvent par abandonner le poussin sans même s’en occuper, ou juste quelques heures.

Dans les abandons le poussin est souvent repris par un autre rapteur et dans quelques cas par son parent. Si personne ne le reprend il finit par mourir de faim et de froid. Pour donner quelques idées j’ai réalisé comme chaque année environ 80h d’observation sur un mois pour près de 900 rapts observés. Ce comportement s’arrête brusquement en l’espace de deux ou trois jours lorsque les poussins prennent leur autonomie et sont capables de se balader en dehors des pattes des parents (souvent massivement les premiers jours de septembre). Les poussins à ce moment sont suffisamment grands pour se débrouiller et échapper aux adultes qui ne sont pas leurs parents.


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