Pour marquer la souveraineté française et pour étudier l’Antarctique encore méconnu, des expéditions s’organisent dans la première moitié du 20ème siècle. En 1950, Port-Martin voit le jour. C’est la première base française à présence permanente. Malheureusement, deux ans après sa construction la base est ravagée par un incendie. Une partie de l’équipe installée en détachement sur l’île des Pétrels pour des études biologiques décide de rester dans le seul bâtiment de vie présent sur l’archipel. Ils profitent à ce moment du bateau pour utiliser les matériaux initialement destinés pour Port-Martin afin d’agrandir la cabane et accueillir trois personnes de plus pour hiverner. C’est le premier hivernage à pointe géologie et le début de la base Dumont d’Urville. Les restes de Port-Martin sont classés en zone spéciale de protection du patrimoine. Il n’y reste pourtant que les débris de l’ancienne base et quelques cabanes encore debout. Une station météo est installée là-bas ainsi qu’un marégraphe. Peu d’occasion se présentent pour y aller, avec les 60km qui nous séparent. Seules quelques personnes ont la chance d’y aller chaque année. Cette année les conditions de banquise sont particulièrement favorables pour la logistique, le bateau est à quai à chaque rotation ce qui permet d’être largement dans les temps pour charger et décharger le matériel. Cela tombe bien, puisque cette année il est prévu de faire le trajet jusque Port-Martin avec l’Astrolabe pour permettre à des géologues de faire des prélèvements. Ce périple est prévu de se dérouler pendant les 10 jours de présence du bateau. Pour nous c’est l’occasion de réaliser des comptages des différentes colonies de Manchots Adélie. Nous disposons déjà de plusieurs sites éloignés (cap bienvenue, cap jules). Cela permettrait de faire l’ensemble de la côte sur plus de 60km à l’est de la base. Ce genre de comptage n’a pas été réalisé depuis 20 ans, l’occasion de refaire un point sur l’état des colonies. Après avoir fait la demande je suis en équipe avec une personne d’un autre programme pour optimiser le déplacement (programme du même laboratoire). Nous sommes donc partis pendant une semaine réaliser des comptages aériens des colonies de Manchots Adélie pour ma part (programme 109) et réaliser des études de mesures de stress sur les Manchots Adélie pour l’autre programme (programme 1091).
Nous sommes partis le 3 janvier au soir, en passant par une langue de banquise qui nous séparait de la base de Prud’homme*. Cette partie de banquise en moins permet de relier rapidement les deux bases via les bateaux présents sur place. Après ça, nous avons voyagé toute la nuit et la matinée du lendemain. Il y avait beaucoup de glace, le pack était dense avec de grosses plaques épaisses ne facilitant pas la progression. Nous sommes finalement arrivés en fin de journée, les conditions météo étaient parfaites mais il était un peu tard pour entreprendre une sortie sur le terrain. Étant donné les prévisions et la complexité pour gérer les créneaux météos nous décidons de faire une reconnaissance hélico et de voir comment on organise la suite. On prépare donc le matériel et on enchaine directement. Malgré la lumière rasante du soir les photos sont facilement exploitables (les ombres peuvent donner du fil à retordre pour différencier le noir d’une ombre d’un dos de manchot).
Dès le premier soir j’ai donc l’occasion de réaliser mon objectif principal, reste de faire l’étude de stress sur les manchots et récolter des informations sur les différentes espèces présentes (skua, pétrel, damier,…). La météo des jours suivants est compliquée, le vent catabatique s’installe et ne nous permet pas de rester autant de temps que possible sur place. On sera resté plusieurs jours sur place en espérant que ce vent baisse. Ces vents sont difficiles à prévoir, surtout sans station météo à proximité. Deux créneaux météos favorables se présentent à nous, on utilise le premier avec une dépose bateau et le second avec une dépose hélico.
De quoi faire quelques échantillons pour le programme 1091, même si nous aurions aimé en faire plus. Cette sortie aura été l’occasion de se reposer un peu pendant les longues heures d’attentes sur le bateau. Les quelques sorties étaient courtes mais intenses. Il a fallu à chaque fois optimiser le temps pour être le plus efficace possible sachant qu’à tout moment où pouvait venir nous chercher si les conditions se dégradaient. C’était une superbe sortie, une chance d’avoir pu voir ce secteur malgré le fait qu’il ne reste que des débris.
*Prud’homme est une base d’été pour gérer la logistique de la base Concordia situé à 1200km sur le continent
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